A toute les époques l’ébéniste après une commande de meuble devait habiller d’entrées et poignées de tirage ou boutons selon les moyens du client.
Il faut savoir que un ensemble de bronzes pouvait coûter aussi cher voir plus que le meuble…
C’est surtout à la fin du XVIIIe jusqu’au début du XIXe que l’on peaufine et cisèle à la main les bronzes, que ce soit en objet d’art ou en ameublement.
« Le ciseleur a le devoir de faire dire au métal ce que le sculpteur n’a pu lui donner ; ce que ne livre ni la terre, ni la cire, ni le bois, ni le marbre ; cette fleur de l’épiderme, la chairé de la peau, la maille du tissu, les nervures des feuilles, le moiré des fleurs, tout cet infini délicat qui charme l’œil et donne la couleur et l’esprit à la matière. »
Lucien Falize
Dorés au mercure éclairés de mats et brillants, ils illuminent cette commode de forme droite et apportent du cachet.
Un peu d’Histoire….
De toute l’Europe, que ce soit au niveau de la création ou de la réalisation, la France eut les plus grands bronziers, en particulier de la fin du XVIIe siècle jusqu’au début de XIXe.
En effet, la fin du XVIIe siècle voit le véritable développement de quantité d’objets d’ameublement.
On doit cette évolution notamment à l’apparition de la « cheminée à la française » qui s’abaisse et se pare d’un miroir et d’un trumeau. On pose sur sa tablette candélabres et pendules, et dans le foyer les chenets (anciennement appelés « feu »), les pelles et pincettes qui remplacent le fer forgé.
Techniques :
On part de l’établissement d’un modèle, généralement le dessin d’un ornemaniste : le sculpteur peut passer à la réalisation de la maquette qui est en terre cuite ou en bois.
La pièce est ensuite transmise au fondeur ciseleur qui se charge de la fonte de la pièce, puis de sa ciselure. Les parties les plus délicates sont confiées directement au ciseleur doreur. Ces deux communautés, les fondeurs ciseleurs et les ciseleurs doreurs, s’opposèrent fréquemment sur leurs prérogatives et droits respectifs, les fondeurs-ciseleurs se chargeant parfois de la dorure. Louis XVI arbitra en les réunissant sous la bannière d’une seule corporation.
C’est ensuite la phase de la dorure proprement dite. Il existe deux modes opératoires : à l’or moulu et à la feuille d’or.
* L’or moulu : de l’or réduit en chaux ou « moulu » sur une pierre à broyer est amalgamé avec du mercure ou du vif-argent dans une proportion d’environ 1 à 8. Cet amalgame chauffé dans le creuset est appliqué sur le bronze au moyen d’une brosse.
Le bronze est ensuite déposé sur une grille et l’évaporation du mercure permet la fixation de l’or sur le bronze. Ces vapeurs de mercure étaient très toxiques pour la santé des artisans.
Viennent ensuite le matage, le brunissage et la mise en couleur de l’or, opérations qui donnent toutes ses nuances à la dorure. Les transitions entre parties mates et brillantes sont confondues de manière homogène.
Ce procédé était réservé aux pièces importantes par leur qualité ou celle de leurs commanditaires. Pour les autres, la dorure à la feuille était fort employée.
* La dorure à la feuille : si la feuille d’or ne contient pas de mercure, ce métal devait être appliqué sur la pièce à dorer, et les risques étaient identiques. En effet, l’or se fixe sur le bronze lors de l’évaporation du mercure.
Une ou deux feuilles d’or très fines posées sur un coussinet étaient appliquées à la brosse sur la pièce bleuie au feu. La finition était la même que pour la dorure à l’or moulu.
Un autre technique de l’époque fut celle des bronzes vernis ou « mis en couleur d’or ». Les néophytes appellent faussement ces pièces « bronzes dorés ». Elles étaient reprises au sortir de la fonte (la « réparure »), puis étaient plongées dans de l’eau-forte (de l’acide). On les terminait en les recouvrant d’un vernis protecteur.
Le XIXe siècle verra l’apparition de la dorure par électrolyse, inventée en 1827 et qui est souvent trop brillante et sans nuances. Son avantage était l’absence de vapeurs toxiques pour les artisans.
Authenticité :
Un bagage théorique est évidemment nécessaire. Mais comme dans tout domaine des antiquités, il faut avoir vu énormément de pièces, les avoir comparées, touchées… apprendre à « sentir » l’objet avant de pouvoir donner un avis sur l’authenticité d’un bronze doré.
Quelques éléments peuvent guider. Les bronzes dorés français du XVIIIe sont en général plus légers et moins épais que ceux du XIXe, par souci d’économie et aussi parce qu’il est plus difficile de produire un bronze fin qu’un épais, le même principe, fin et épais vaut pour le mobilier.
L’harmonie, l’équilibre des formes, la nervosité de la ciselure sont autant de facteurs déterminants.
Il existe de nombreux surmoulages d’époque, à partir d’un modèle à succès que les marchands merciers commercialisaient aisément.
Ces pièces sont à considérées comme authentiques. Les redorures aussi étaient fréquentes.
La connaissance des systèmes de fixations a également son importance : des vis filetées de manière inégale, des écrous non symétriques sont des indices d’une fabrication au XVIIIe.
Quelques grands noms de bronziers français : Philippe Caffiéri, Jacques Caffiéri, Jean Joseph de Saint-Germain, François Rémond, Pierre Gouthière, Jean-Claude Duplessis (né en Italie), la lignée des Feuchère, Pierre-Philippe Thomire……
Conservation et entretien :
S’il s’agit d’une pendule, le globe de verre convient parfaitement.
En-dehors de réparations nécessitant l’intervention d’ateliers spécialisés, l’amateur peut nettoyer lui-même ses bronzes dorés.
Supposons un bureau plat garni d’espagnolettes. On démonte celles-ci, ainsi que toutes les autres parties en bronze doré. On les passe à l’eau savonneuse, du savon de Marseille auquel certains ajoutent une dose d’ammoniaque, avec une brosse douce et une brosse à dents pour les fins interstices.
On rince à l’eau tiède et on essuie avec un chiffon qui ne peluche pas. Le sèche-cheveux sera utile pour les endroits inaccessibles. Remonter, c’est terminé ! Ce nettoyage basique vaudra dans la plupart des cas beaucoup mieux que certaines « remises à neuf » de bronzes dorés qui peuvent les dénaturer complètement.
En conclusion : le domaine des bronzes dorés est passionnant, d’autant qu’il reste beaucoup à découvrir, et que de nombreuses énigmes titillent la perspicacité des chercheurs.
Source : Vivian Miessen